De l’audace, beaucoup de travail et la liberté de faire les choses à leur manière. Voilà comment Christophe van Waetermeulen, Michael Friggit et Zihad Dubois ont lancé North Hill, leur marque streetwear, sans aucune expérience dans la mode. Montmartre, ses artistes et ses luttes inspirent chaque collection, conçues intégralement dans leur atelier du 18e arrondissement. Tout produire à Paris, du dessin à la pièce, c’était un choix autant qu’un défi, relevé avec succès. Retour sur leur parcours d’autodidactes.
Que représente la colline de Montmartre pour vous et pour North Hill ?
La colline de Montmartre, c’est le symbole d’une identité locale, de l’esprit du nord de Paris qui nous a beaucoup inspirés lorsqu’on a lancé North Hill. On se sent chez nous dans ces quartiers. C’est d’ailleurs là qu’on s’est tous installés à notre arrivée à Paris.
Comment votre quartier influence-t-il votre processus créatif ?
On regarde toujours ce qu’il se passe dans la rue. Les ambiances sont très diverses : les gens sortent à Pigalle, à quelques minutes de Barbès où l’on croise des vendeurs à la sauvette et des marabouts qui distribuent leur cartes à la sortie du métro. Tous ces détails nous influencent car c’est ici que l’on vit et que l’on crée tous nos produits. Le nord de Paris évolue mais il garde son âme.
Tout faire à Paris, de l’idée au produit, c’était un choix évident ?
C’est devenu évident pour trois raisons. On voulait savoir qui produisait nos vêtements et dans quelles conditions, ne pas créer une autre marque de fast fashion.
Produire à Paris nous permet aussi d’être plus libres. Lorsqu’on aime son produit, c’est important de suivre sa production. Nos pièces sont complexes, il faudrait faire de nombreux compromis pour les produire au Portugal. Ici, on peut réaliser de plus petites productions dans de meilleurs délais, et maîtriser nos coûts pour proposer des prix accessibles.
Enfin, on veut que notre travail serve à maintenir et à développer des savoir-faire locaux.
Que se passe-t-il dans votre atelier ?
On y crée toutes nos collections. Pour la production des pièces, on travaille avec un atelier partenaire. On y développe aussi toute l’identité visuelle de North Hill, du design graphique aux shootings, réalisés dans le quartier. Et maintenant, on produit aussi pour d’autres marques.
Est-il facile de fabriquer des vêtements à Paris ?
Le secteur de la mode est en évolution et il est compliqué de trouver les ressources et les savoir-faire. Avant, tout se passait dans le Sentier mais les savoir-faire s’y perdent. Nous avons fait de nombreux tests pour trouver les bons partenaires, pour la plupart situés dans d’autres quartiers de Paris.
Et à Paris, les ateliers sont spécialisés. Chaque étape de la production est réalisée par un acteur différent. Alors qu’à l’étranger, tout peut être fait dans un seul lieu : on pourrait envoyer nos dessins et recevoir nos pièces quelques semaines plus tard, sans savoir ce qu’il s’est passé entre-temps.
L’avantage de travailler avec des ateliers parisiens, c’est la proximité. On connaît nos partenaires, on négocie mieux, on a plus de contrôle sur la qualité. Et on apprend beaucoup sur les techniques de production. À terme, on aimerait tout faire nous-mêmes dans notre atelier.
Trouvez-vous que Paris est une ville favorable pour la jeune création ?
Les réseaux du secteur de la mode sont assez fermés, mais très développés à Paris. Pour se lancer, y avoir accès est sans doute le meilleur avantage. Ça permet de gagner du temps. Convaincre les acheteurs est un défi pour toutes les jeunes marques car ils sont énormément sollicités.
Aucun de nous n’avait d’expérience dans la mode avant North Hill donc nous avons dû nous faire connaître. Et notre démarche nous aide. Elle retient l’attention des acheteurs, comme lorsqu’on a participé au concours organisé par Citadium pendant le salon Who’s Next de janvier 2017 et que la marque a été sélectionnée pour un pop-up dans leurs boutiques. Ou lorsque la région Île-de-France a choisi de soutenir notre démarche de production locale.
Designers, makers, entrepreneurs… À qui vous identifiez-vous le plus ?
Nous avons tous des parcours et des rôles différents. Christophe s’occupe de la direction artistique et du design des collections ; Michael gère l’administratif, l’acquisition et la production et Zihad est en charge du business, du développement commercial, des RP et du web.
On se perçoit avant tout comme des entrepreneurs, mais il est difficile de s’identifier à ces titres lorsqu’on est autodidacte. Ce qui compte pour nous, c’est de rester fidèles à notre démarche. De travailler tous les jours pour développer North Hill et produire toutes ses collections.
Comment avez-vous appris vos nouveaux métiers ?
On a beaucoup, beaucoup travaillé ! On a passé des journées dans le Sentier à observer, à poser plein de questions. Et surtout, on apprend de nos erreurs, on reste curieux et on s’améliore en continu.
Le lancement des premières collections a pris plus de temps. Il fallait fabriquer les pièces, mais aussi gagner en confiance pour oser les présenter à des acheteurs. On a commencé avec 3 références pour la collection printemps-été 2016. Aujourd’hui, on en propose plus de 70 par saison.
Quelle est la réaction de votre communauté lorsqu’elle découvre votre démarche ?
Tout faire à Paris est devenu normal pour nous, alors que très peu de marques ont fait ce choix. On commence à partager plus souvent notre travail sur les réseaux sociaux et ça plaît à notre communauté. Au début, on l’invitait dans notre atelier tous les jeudis. C’est moins fréquent aujourd’hui car on a plus de machines, mais on veut communiquer davantage sur la création de nos produits.
North Hill grandit : quels sont vos projets pour la marque ?
La prochaine étape serait l’ouverture d’une boutique. On a vu qu’il était essentiel de rencontrer ses clients pendant nos pop-ups et nos ventes privées à l’atelier. Les gens ont besoin d’essayer les vêtements avant de les acheter. La boutique serait aussi un lieu de création avec un service de retouches ou de réparations sur place, pour montrer qui nous sommes.
Propos recueillis par Clémence Gruel