Des maisons que nous habitons à la musique que nous écoutons, notre comportement par rapport à la propriété a radicalement changé – et ce n’est peut-être que le début.
Dans le futur, que posséderons-nous ? Façonnée par la grande récession économique et la révolution digitale, la dernière décennie a transformé notre façon de penser la propriété individuelle.
En comparaison avec le siècle précédent, le XXIe siècle s’intéresse beaucoup moins à l’achat d’objets par simple envie de les posséder. Alors que nous avions l’habitude de détenir des livres, des films et tout autre type de médias, nous les achetons aujourd’hui sous forme numérique ou nous les consultons en streaming. Nous louons nos espaces vacants pour accueillir des boutiques, des projets ou la vie des autres et partons en vacances dans leur maison. Nous avons moins tendance à acheter un logement, une voiture ou accepter un contrat à long terme. Nous lançons nos entreprises en ligne et occupons des bureaux temporaires...
Ces façons de penser et d’acheter sont arrivées en même temps qu'une nouvelle vague de sociétés et de services dont nous ne pourrions aujourd’hui plus nous passer. Serait-ce le début de la fin de la propriété ? Nous n’avons pas de boule de cristal, mais nous l'observons déjà autour de nous.
Partager c’est se tourner vers l'autre
L’explosion de l’économie communautaire a eu lieu en 2007, la même année que le lancement du premier iPhone. C’est aussi le moment où les millénials ont réalisé qu’ils seraient la toute première génération à s’en sortir financièrement moins bien que leurs parents.
L’idée de louer à nos voisins des objets comme les perceuses électriques laissait alors présager un futur chaleureux et pétillant. Tout le monde semblait enthousiaste et de nombreuses startup se sont lancées dans la consommation collaborative. En pratique, le projet de louer la perceuse de son voisin n’a cependant jamais décollé.
En revanche, des entreprises comme Airbnb et Uber ont connu un succès commercial considérable. Et de plus petites startup, centrées sur cette économie collaborative de pair à pair, ont aussi su trouver leur niche, comme le marché mobile Depop ou le service de « dog sitting » Emprunte Mon Toutou. Elles ont en commun un nouveau type d’offres : celles de plateformes qui ciblent la génération née avec le numérique et qui créent un lien de confiance d’humain à humain, suffisant pour échanger des services et produits.
Tout louer grâce à la technologie
Notre conception actuelle de l’économie communautaire semble s’être un peu écartée de l’idéalisme des débuts. On entend dire partout que des technologies émergentes comme le « blockchain » et les drones pourraient changer notre manière d’acheter, de vendre et de louer quoi que ce soit en une chaîne de services de pair à pair.
Comme le souligne le Guardian « si la première étape de l’économie communautaire actuelle est la possibilité de changer sa voiture en taxi ou sa maison en hôtel, la prochaine étape est que tout bien inactif puisse produire du capital. Tout ce qu’il nous restera à faire sera de définir un prix pour chaque bien, et les robots feront le reste. »
Consommateurs d'expériences
Du streaming illimité de musique sur Spotify au visionnage frénétique sur Netflix, nous nous sommes rapidement habitués à payer pour avoir accès à un contenu premium, efficace et peu coûteux, et avons abandonné l’idée de le posséder. Cette façon de concevoir la possession dans le monde digital traduit aussi un changement d’attitude envers le monde physique et les objets.
Alors qu’avoir une voiture était autrefois un symbole d’indépendance et de statut, c’est aujourd’hui largement perçu comme un moyen de générer de l’argent supplémentaire grâce au covoiturage. Alors que dans les années 90, un tiers des 16-24 ans qui gagnaient leur vie pouvaient acheter leur logement, ils représentent aujourd’hui un dixième. En une génération, l’âge habituel d’achat d’une maison est passé de 25 à 45 ans. Les changements socio-économiques sont en cause : les villes mondialisées sont de plus en plus peuplées, le coût de la vie augmente, tout comme celui des logements.
En réponse à cela, nous établissons de nouveaux indicateurs de réussite, comme la popularité sur les réseaux sociaux (dont l'excellent épisode Nosedive de la série Black Mirror montre les dérives possibles) ou des expériences de voyage riches, immédiatement postées sur les réseaux sociaux, comme pour se les réapproprier. Nous sommes devenus plus attentifs à ce que nous consommons et à la manière dont nous le faisons, dans un monde désormais globalisé.
Du co-working au co-living
Dans la dernière décennie, les espaces de co-working ont bourgeonné en ville afin de répondre à la demande grandissante de travail autonome. Ces espaces hébergeaient alors des startup agiles et des freelancers nomades à la recherche d’une connexion wifi et d'une opportunité de se faire des contacts.
Aujourd’hui, les espaces de co-living (vie partagée) séduisent de plus en plus de monde, en offrant un nouveau mode de vie urbain qui permet aux millénials de bénéficier de nombreux avantages sans avoir à s’engager. L’empire de co-working, WeWork a lancé son concept WeLive à New York en 2016, offrant des espaces de vie luxueux qui incluent cours de yoga et bières gratuites. Roam a également connu le succès avec son réseau d’espaces de co-living à Bali, Londres, Miami, Tokyo et San Francisco, conçu pour héberger les nomades digitaux qui parcourent l’ensemble du globe. The Collective se définit comme un nouveau type d’entreprise immobilière, qui permet aux Londoniens d’avoir accès à des espaces de vie haut de gamme, partagés avec 500 autres individus. Ces services immobiliers offrent commodité, compagnie et confort via un abonnement flexible.
La montée en puissance de l'éphémère
La manière dont les commerçants occupent l'espace est en train de changer. En 1992 le temps de location moyen était de 20 ans, alors qu’aujourd’hui, il est de moins de cinq ans. Une boutique dans un emplacement premium montrait autrefois la réussite de commerçants qui jouent aujourd’hui la carte du commerce éphémère et de la collaboration avec d’autres marques. Cela leur permet de créer de nouvelles expériences et connections avec leurs clients et d'en toucher de nouveaux.
Chez Appear Here, nous voyons de nombreuses marques qui ne veulent (ou ne peuvent) plus s’engager dans la location à long terme d’une boutique. D’ailleurs, la demande pour les espaces éphémères dans les rues les plus recherchées de Londres dépasse toujours l’offre, avec une demande 15 fois supérieure au nombre d’espaces disponibles. À Londres, nous sommes passés de 40 locations en 2013 à 4000 l’an dernier. À Paris, la demande a grandi de plus de 350 % l’année passée. Et, après notre lancement à New York il y a tout juste six mois, nous constatons déjà une croissance trois fois supérieure à celle de Paris.
Que cela soit pour un restaurant éphémère, une boutique ou un studio de yoga, apparaitre temporairement dans une zone convoitée est particulièrement efficace pour lancer ou développer un business. La démocratisation des espaces commerciaux urbains à des emplacements stratégiques est l'un des terreaux fertiles qui permet aux jeunes pousses de fleurir et de grandir.