Environnement, diversité, droits civiques... lorsqu’une marque agit pour faire changer les choses, elle cherche souvent à le faire savoir. Et la publicité activiste est un outil puissant. Elle ne se contente pas de jouer sur les sentiments des consommateurs, elle leur offre aussi la satisfaction de s’engager pour la bonne cause, sans leur demander de changer leurs habitudes. Mais encore faut-il maîtriser son sujet. Retour sur les campagnes les plus marquantes de ces dernières années.
Choquer pour séduire… ou pas
Une campagne publicitaire engagée doit susciter une réaction, car sa force repose sur sa capacité à mobiliser sa cible en provoquant chez elle une émotion intense, une réflexion ou encore une prise de conscience. Dès 2014, la marque de lingerie Aerie a été l’une des premières à mettre en scène des mannequins aux morphologies diverses et à ne pas retoucher les images de sa campagne publicitaire #AerieReal. Le succès est au rendez-vous sur les réseaux sociaux et les ventes ont augmenté de 32% dans l’année suivant la campagne.
En choisissant de célébrer l’imperfection, Aerie a créé une surprise fédératrice sur le marché de la lingerie. Mais une marque peut aussi choquer par une prise de position sur une question clivante, à l’instar de Nike. Cette année, pour célébrer les 30 ans de son slogan « Just Do It », la marque a placardé le portrait de Colin Kaepernick, l’un des joueurs de la National Football League qui avait refusé de célébrer l’hymne américain en signe de protestation contre les violences policières en 2016 : un geste jugé déplacé par 54% des américains. Sur le visage du joueur, on peut lire « Croyez en quelque chose. Quitte à tout sacrifier. » Après un appel au boycott et plusieurs milliers de chaussures et Nike brûlées, la marque enregistre une hausse de 31% de ses ventes en ligne le weekend suivant le lancement de la campagne. Se rapprocher de son cœur de cible implique parfois de perdre une partie de ses clients.
S'engager pour la bonne cause
Jouer la carte de l’engagement peut aussi se retourner contre ceux qui n’y voient qu’une belle occasion d’augmenter leurs ventes. Un message trouble, un lien peu évident entre une marque et la cause à laquelle elle s’associe, peut susciter plus que de l’incompréhension. Benetton, célèbre pour ses campagnes controversées, en a fait l’expérience en juin 2018 avec deux photos prises par SOS Méditerranée pendant ses opérations de sauvetage des migrants. Sur la première, des femmes et des enfants sont pris en charge par l’ONG à leur arrivée en Italie. Sur la seconde, des hommes sur un bateau attendent d’être secourus. Les photos ont été publiées dans les journaux La Repubblica et le Corriere della Sera, sans autre message que le logo de la marque.
Opportunisme démasqué ou solidarité réelle ? En Italie où la question migratoire suscite de violents débats, intensifiés depuis l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir, l’initiative n’a pas eu l’effet escompté. SOS Méditerranée a condamné l’utilisation des clichés par Benetton, et dénoncé leur utilisation à des fins commerciales. De son côté, Oliviero Toscani, le concepteur de plusieurs campagnes engagées pour la marque de prêt-à-porter, a affirmé que l’objectif n’était pas de vendre mais de témoigner. Si tel est le cas, une publicité en double page de deux quotidiens nationaux n’est peut-être pas la meilleure plateforme.
Communiquer au moment juste
Le succès d’une campagne engagée est aussi une question de calendrier. Faire écho à l’actualité permet à une marque de mettre en lumière son message - activiste et commercial - en s’inscrivant dans un débat déjà médiatisé. C’est ce qu’a fait Apple en 2017, quelques jours après l’annonce du retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. La marque a dévoilé une nouvelle édition de sa campagne « Shot on iPhone », composée de vidéos de paysages grandioses réalisées par ses clients ainsi que d’un extrait audio d’Un petit point bleu pâle de Carl Sagan, dans lequel l’astronome américain nous appelle à préserver la Terre.
Mais réagir à une actualité brûlante est un exercice délicat, même lorsque l’angle choisi se veut fédérateur. Un an à peine après l’essor du mouvement Black Lives Matter, dénonçant les violences policières à l’encontre des Afro-Américains, Pepsi a fait l’objet de vives critiques pour sa campagne « Live for Now ». Le scénario de la discorde ? Un groupe de manifestants fait face à un barrage de police. Kendall Jenner sort de la foule, une cannette de Pepsi à la main, et l’offre à l’un des policiers qui l’accepte, sous les cris de joie du cortège. La scène n’est pas sans rappeler la photo d’une jeune femme faisant face à trois policiers armés, prise par Jonathan Bachman lors d’une manifestation à Bâton-Rouge en juillet 2016. La référence a choqué le public et Pepsi a interrompu sa campagne en seulement 24 heures.
Devenir une marque activiste
À l’heure où l’activisme publicitaire semble séduire de plus en plus de marques, comment distinguer son message ? Comment convaincre sa cible, toujours plus exigeante, de la sincérité de sa démarche ? Il faut peut-être plus qu’un spot publicitaire, aussi bien intentionné soit-il. La confiance de sa clientèle se gagne à long-terme et elle est la plus grande force des marques qui ont fait de leur engagement le socle de leur identité.
La position de Patagonia sur la protection de l’environnement est au cœur de son histoire. Dès les années 70, son fondateur Yvon Chouinard, alors spécialisé dans le matériel d’escalade, constate les dommages causés par les grimpeurs sur les parois rocheuses et développe de nouveaux équipements, plus respectueux des sites d’escalade. Depuis, la marque ne cesse de s’engager en faveur de la planète. Sa dernière campagne, « The President Stole your Land », est une protestation contre la décision du président Donald Trump de réduire drastiquement les zones naturelles protégées de Bear Ears et de Grand Staircase-Escalante. En 2018, ses efforts paient toujours : le chiffre d’affaires de la marque a déjà dépassé le milliard de dollars.
Par Clémence Gruel