2017 a été une grande année pour le streetwear. Si le style et la culture s’insinuent dans nos sociétés depuis plusieurs décennies, l'année dernière a marqué un tournant et le mouvement est devenu mainstream.
Parmi les fers de lance de cette révolution, on trouve les marques Palace et bien-sûr Supreme, dont la collab’ avec Louis Vuitton a fait le buzz dans le monde entier. La rencontre du monde casual et accessible du streetwear avec l’univers sophistiqué et sélectif du luxe a inspiré la création de milliers de moodboards et de projets.
En plus de leur capacité à dénicher et utiliser les tendances et célébrités pour mettre en avant leur image et leur produits, en matière de retail, les géants du street et du skate ont beaucoup à nous apprendre.
Commençons par leurs boutiques. Paradoxalement ces enseignes ayant émergé sur des forums 1.0 comme Nike Talk et Hypebeast brillent par leur stratégie de retail physique. Il suffit de regarder les files devant les magasins lors des fameux “drops days” - jours de sortie des nouvelles collections - auxquels les fans se rendent comme à un pélerinage.
“La file c’est la nouvelle communauté” a déclaré Jeff Carvalho - rédacteur en chef de Highsnobiety - au New York Times. Quand 200 à 300 jeunes font la queue devant une boutique c’est parce qu’ils veulent prendre part à quelque chose” Et comme nous sommes en 2017 cette communauté n’hésitera pas à partager sur les réseaux sociaux son expérience aux drop days, augmentant ainsi la visibilité de sa marque préférée.
Médiatisées par des références en matière de mode et de hype comme Vice ou Hypebeast ces files deviennent des événements à part entière, attirant des jeunes branchés (et aisés). Les marques de streetwear organisent aussi des événements leur permettant d’associer leur image aux cultures artistiques et sportives auxquelles adhèrent leur public.
C’est ainsi que Palace a inauguré l’an dernier le skatepark de Mwadlands, dans le quartier de Peckham, nouveau hub créatif de Londres. De même, Supreme accueillait en 2016 le célèbre sculpteur Mark Gonzalez et le créateur de collages Weirdo Dave dans son magasin parisien. Ces rendez-vous permettent aux marques de profiter de la popularité des milieux auxquels elles s’associent et de se donner une image cool de curateur, soutenant les jeunes talents.
En s’associant à ces différentes personnalités, les marques font passer un message : portez nos vêtements pour révéler votre potentiel créatif. Cette intégration de différentes disciplines réaffirme les valeurs du streetwear qui ne s’est pas construit seulement autour des skateurs mais grâce à des artistes, photographes, graphistes et musiciens allant du hip-hop à la techno en passant par le punk : un gang multiethnique et inclusif.
« Depuis le premier jour, nous n'avons toléré aucune discrimination et nous avons fédéré une communauté qui a adopté ces valeurs. The Basement est devenu un lieu de promotion des bonnes morales et de l'éthique », a déclaré Taylor Prince-Fraser, fondateur de la communauté de streetwear en ligne The Basement. Depuis, celle-ci fournit à sa communauté des espaces lui permettant de se rassembler et de se développer.
Si les éditions limitées créent un sentiment d’urgence et d’exclusivité et sont un précieux atout d’un point de vue marketing, cette pratique trouve aussi ses raisons du côté de la production. Brendon Babenzien, anciennement designer pour Supreme et fondateur de son label Noah, a ainsi déclaré au site Business Of Fashion : « Nous ne sommes pas une grande marque, nous ne pouvons pas produire beaucoup de pièces en une seule fois. C'est juste une façon honnête et sincère de gérer un business. Nous fabriquons en fonction de la demande, nous sortons certains produits et en ajoutons d’autres au fil de la saison quand cela a du sens. »
A l’heure où de nombreuses marques adoptent les mêmes pratiques que les marques de streetwear, on peut se demander comment celles-ci vont évoluer. Une chose est sûre, l’authenticité et le storytelling sont des valeurs clés. Le fondateur de Supreme James Jebbia revient souvent sur les origines de la marque et l’ouverture de la première boutique à Manhattan en 1994, tout comme Lev Tanju qui a créé Palace pour sponsoriser son crew de skaters passionnés. Si ces récits ont souvent été enjolivés par les médias et chargés de communication, ils ont résisté à l'épreuve du temps parce qu'ils sont enracinés dans la passion de leurs fondateurs. Un sentiment porteur de succès.